La 39e édition du Moussem culturel international d’Assilah se poursuit dans la bonne ambiance, la convivialité et le partage. Après le colloque d’ouverture, «L’Afrique et le monde : quel monde pour l’Afrique ?», l’événement a lancé le 8 juillet une série d’activités artistiques. À la bibliothèque Bandar Bin Sultan, la Hadra Chefchaounia sous la direction de Rhoum El Bakkali a présenté une soirée inoubliable à ses fans d’Assilah ainsi qu’aux invités du festival. Tenues traditionnelles, foulards en couleurs féminines, bijoux ancestraux, voix douces, les membres de l’ensemble Hadra Chefchaounia ont envoûté le public. Elles ont présenté un répertoire riche et diversifié de la musique soufie.
La Hadra des femmes de Chefchaouen fascine autant par ses textes poétiques et ses mélodies que par la beauté de sa chorégraphie. Débutant sur un tempo lent et majestueux, elle intègre progressivement des mouvements rythmiques qui prennent de plus en plus de vivacité avec les percussions et les youyous des femmes, pour atteindre son apogée avec une sorte d’extase.
Le public s’intègre facilement dans cette ambiance. «Nous avons l’honneur de nous produire chaque année devant le public d’Assilah qui apprécie nos concerts et y vient nombreux», souligne Rhoum El Bakkali. Et d’ajouter que le Moussem d’Assilah a un rôle très important pour la diffusion de la musique qu’elle défend depuis des années. Rhoum El Bakkali est dépositaire d’un héritage familial qui remonte au 16e siècle. «Je veux montrer que la musique soufie peut aussi être chantée par des femmes. J’ai également encouragé les femmes et les jeunes filles à s’orienter vers cet art et à le sortir des maisons. Près de 90 femmes ont appris l’art de la Hadra Chefchaounia», explique cette jeune mère de famille et artiste charismatique. Rhoum transmet régulièrement son héritage à un groupe de jeunes filles de la région de Chefchaouen, appelé «Akhawat Al-fane Al-Assil» (les sœurs de l’art authentique). Il est à rappeler que la Hadra des femmes de Chefchaouen a été lancée au 19e siècle par la sainte Chérifa Lalla Hiba Bakkaliya, rattachée à la zaouïa Bakkaliya du douar Haraïk, situé sur le territoire de la tribu des Ghzaoua. Cette pratique s’est maintenue jusqu’à aujourd’hui et se perpétue grâce à Rhoum El Bakkali.
Fille d’un cheikh, cette artiste est, en outre, diplômée en musique arabo-andalouse (chant et oud) et en solfège. Grâce à sa formation et à son entourage, elle présente aujourd’hui avec son ensemble des poésies ancestrales, mais aussi revisitées. Rhoum soigne particulièrement la dimension spirituelle de l’art de la Hadra Chefchaounia. Avec ses apprenties et les femmes qui partagent sa passion, elle s’attache à préserver l’ancien héritage du soufisme et des traditions populaires, en y ajoutant une part de créativité et d’originalité. «On doit toujours présenter du nouveau», précise-t-elle. Rhoum puise les paroles de ses chants dans des poèmes en arabe provenant soit de la tradition familiale des Bakkali, soit du répertoire soufi des chants de sama, composés par des maîtres de la tradition classique arabo-andalouse, tels que Ali Al-Halabi, Abu Mohammed al-Harraq ou al-Shushatri.
«La Hadra Chefchaounia se distingue par la poésie chantant l’amour pour Allah, pour le Prophète (paix et salut sur Lui) ainsi que les vertus. Cet art se distingue aussi par son rythme», explique Rhoum El Bakkali, fière de son héritage. La Hadra Chefchaounia est l’apanage de la prestigieuse lignée de l’ordre soufi de la zaouïa Bakkaliya. Sous la direction spirituelle du maître Sidi Ali Hadj Bakkali, de son fils Sidi Mohamed El Hadj, puis de Sidi Ali Berreyssoul et Sidi Yahya Al-Hindi, cette confrérie a légué un héritage important d’enseignements et de poèmes religieux, d’invocations et de chants populaires.